C’est par cette question que les ONG et organisations paysannes belges attirent votre attention sur la Journée Mondiale de l’Alimentation qui aura lieu le 16 octobre 2005 (www.wereldvoedseldag.be/fr). Attention, il ne s’agit pas d’une journée d’aumône destinée à nourrir les affamés, mais bien d’une journée visant à réclamer, une fois encore, le droit à l’alimentation. Le droit à un revenu digne sans devoir avoir peur d’avoir l’estomac vide le lendemain. La faim résulte d’un attentat, elle n’est pas une fatalité.

Nous insistons sur le fait que la pauvreté et la faim ne sont pas la conséquence de la paresse ou de l’incompétence. Elle découle douloureusement de l’inégalité croissante entre pauvres et riches, de politiques inadéquates et de rapports commerciaux inéquitables. Un penseur libéral comme Dirk Verhofstadt, mais également des socialistes de la troisième voie à la Tony Blair, aiment faire le lien entre la faim et la politique agricole « onéreuse et protectionniste » de l’Union Européenne. Dans la foulée, ils proposent la fin de politiques publiques de soutien: “Les subventions agricoles sont ringardes et immorales ! Laissez chaque pays produire sa spécialité et ouvrez les frontières au libre-échange agricole, cela résoudra la faim !”
Au contraire, les agriculteurs et les consommateurs ont évidemment besoin d’une politique agricole solide, mais c’est une politique agricole très différente de celle issue de la réforme mise en œuvre par la Commission européenne qui est nécessaire. Une nouvelle politique agricole devrait, d’une part, soutenir une agriculture familiale et durable et d’autre part, soutenir résolument les prix agricoles à l’intérieur de l’Union européenne et contribuer significativement à relever les prix sur les marchés internationaux. Afin d’éviter la production d’excédents structurels ou de dumping, ces politiques doivent s’accompagner de régulations du niveau de production.
Mais cela ne signifie en aucun cas qu’une libéralisation radicale apportera la solution au problème de la faim. Les pratiques actuelles de la libéralisation du commerce des produits agricoles sont d’ailleurs à l’origine d’un appauvrissement considérable de nombreux paysans et paysannes.

Des agriculteurs inutiles ?
Plus de 2 milliards de gens comptent sur l’agriculture pour assurer leur survie. Quelques 850 millions de personnes souffrent de faim. Il est révoltant de se rendre compte que soixante à septante pour cent d’entre eux sont agriculteurs. Ces derniers sont confrontés, par exemple, à des prix de vente du café, du coton, de l’arachide, de la canne à sucre, du maïs ou du riz, qui sont écrasés en raison de la faiblesse de leur position de négociation face à l’agro-industrie. Mais ils sont aussi confrontés à bien d’autres obstacles : les mauvaises politiques commerciales nationales ou internationales, les infrastructures rurales négligées, les conflits, la mauvaise gestion et l’insuffisance des budgets.
Allez donc en parler aux paysans d’Inde ou du Burkina Faso : comment peuvent-ils vendre leur lait sur leurs marchés locaux où ils doivent concurrencer à cause des importations de lait bon marché ? Ils n’ont pas l’ambition d’exporter leur lait, mais, afin de contribuer à lutter contre la pauvreté, ils demandent qu’on ne les dépossède pas de la possibilité de vivre leur travail : « Auparavant, nous pouvions écouler notre lait sur le marché local ; maintenant c’est à peine si nous y arrivons et cela ne couvre même pas nos frais. Nous ne voulons pas devenir les prochains chômeurs de nos villes » C’est le droit à un marché protégé contre les bas prix mondiaux qu’ils réclament. Les agriculteurs d’Europe s’arrachent également les cheveux. Le lait permettait jusqu’ici, pour bon nombre d’entre eux, de rentabiliser leurs exploitations. Actuellement, le prix baisse dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune. Les organisations paysannes revendiquent une diminution de la production, et demandent que l’Europe continue à leur offrir un prix rémunérateur, couvrant les coûts de production des exploitations familiales. Les règles du libre-échange font des fermiers du Burkina Faso, d’Inde et d’Europe les victimes d’une course aux prix les plus bas. Le lait est loin d’être une exception. Il en va en effet de même pour le sucre, le maïs ou le riz par exemple. Des centaines de millions d’agriculteurs sont devenus inutiles aux yeux des défenseurs du libre-échange. Les politiques défendues par l’Organisation Mondiale du Commerce, par la Banque Mondiale semblent leur dire : « tu mangeras quand tu seras compétitif ».

La solution semble pourtant devoir venir en premier lieu de l’approvisionnement alimentaire local et régional. L’agriculture paysanne familiale, pourvoyeuse d’emplois à plus d’un milliard de personnes, constitue le socle premier pour garantir au mieux la sécurité alimentaire. C’est par une rémunération digne de leur travail que ces millions d’agriculteurs ne mourront plus de faim. Une politique agricole et alimentaire réfléchie et durable n’est, pour nous, en rien synonyme de politiques orientées sur des exportations maximales.. Bien que l’endettement de nombreux pays en développement et la libéralisation des marchés les forcent à poursuivre une politique d’exportation, des exemples démontrent à suffisance qu’il s’agit justement là d’une cause majeure de l’effondrement des prix agricoles. Cela ne signifie pas pour autant que le commerce international soit inutile, mais l’accès aux marchés internationaux n’est pas un objectif en soi et ces marchés doivent être suffisamment régulés pour garantir des prix raisonnables et stables aux agriculteurs et aux consommateurs. Ces solutions sont basées sur les principes de souveraineté alimentaire.

Il est grand temps que l’on arrête d’associer de fausses promesses à la libéralisation des marchés agricoles. Ce n’est pas la solution pour atteindre l’objectif du millénaire, à savoir lutter contre la faim et la pauvreté. D’autres mesures sont nécessaires et … le temps presse.

CNCD-11.11.11.
Oxfam Solidarité
Collectif Stratégie Alimentaire
Peuples Solidaires
MAP
ACRF
FUGEA
Confédération Belge des Betteraviers
SOS Faim
AEFJN Belgique
AEFJN International
Ces organisations sont membres de la PFSA, la Plate-forme Souveraineté Alimentaire.

Personnes de Contact :
Thierry Kesteloot (Oxfam Solidarité : 02.50.67.55)
Desgain Stéphane (Coordinateur PFSA, CNCD : 02.250.12.64, 0475.76.90.61)