On entend de plus en plus souvent le terme « résilience ». Ce mot est mis un peu à toutes les sauces : il est même utilisé pour faire du faire de l’éco-blanchiment (greenwashing) et s’en trouve vidé de son sens. C’est un concept polysémique et multidisciplinaire au cœur des discours sur les changements climatiques et l’effondrement de la biodiversité. Les institutions internationales, le monde de la finance, du management, de la santé publique, les économistes, les urbanistes, les climatologues, tous y recourent. L’ACRF – Femmes en milieu rural travaille depuis quelques années ce concept de résilience, particulièrement en étudiant les effets des dérèglements climatiques. Faut-il être résilient ou résistant ?
La « résilience » s’impose donc comme le nouveau mot à la mode, un label à saupoudrer sur toutes les politiques publiques : agriculture, villes, forêts, gestion de l’eau, culture, santé, tout doit être résilient. Manifestement, être résilient, c’est bien, la résilience serait « bonne » et même « belle » ! Ces multiples et nouvelles utilisations ont bien entendu démultiplié le pouvoir attractif du mot… au risque de faire totalement perdre de vue sa signification profonde. Le mot charrie aujourd’hui le meilleur et le pire. A tel point que cela en exaspère certains : la journaliste Evelyne Pieiller a écrit dans Le Monde diplomatique l’article Résilience partout, résistance nulle part dans lequel elle étrille la notion de résilience utilisée, d’après elle, par le pouvoir politique pour augmenter l’acceptabilité sociale de nouvelles contraintes. Thierry Ribault, économiste, chercheur au CNRS lui consacre un essai, pour lui elle est « macabre, indécente, indéfendable » : l’injonction à la résilience est déjà l’inscription dans un futur, qui permet d’enjamber le présent et surtout de s’épargner un inconfortable examen du passé, c’est-à-dire des conditions qui ont conduit à la catastrophe en analysant notamment le cas de Fukushima. Là-bas, cet art du « vivre avec » a été érigé en politique d’État après la catastrophe nucléaire. Il est devenu un nouveau paradigme mondial, promu en France par les collapsologues ou par Emmanuel Macron. On connait la nature néolibérale de la résilience, en ce qu’elle déresponsabilise l’État pour mieux responsabiliser les individus.
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