A quelques jours de l’ouverture de la Foire de Libramont, nous vous proposons cette réflexion sur l’avenir des fermes paysannes. Retrouvez cet article et bien d’autres traitant du monde rural dans la revue Plein Soleil de notre mouvement.
Que vont devenir les fermes wallonnes dans dix, quinze ans ? Depuis 1980, la Belgique a perdu 70 % de ses exploitations agricoles. Les dix années qui arrivent vont être critiques, selon Françoise Tagnon. En effet, la moyenne d’âge des agriculteurs est de 55 ans et ils vont devoir trouver une solution à leur départ en retraite. Aujourd’hui, pour cinq fermes à transmettre, une seule a déjà un repreneur potentiel connu.
C’est un vrai problème, car les enfants d’agriculteurs partent vers d’autres horizons. On ne peut leur en vouloir, les fermes sont difficiles à reprendre et demandent beaucoup d’investissements. L’accès à la terre est devenu très problématique. Le danger est d’assister à un phénomène de concentration des terres, qu’elles soient captées par des grandes exploitations, des propriétaires terriens ou des sociétés de gestion.
Manque d’opportunités
Le risque de voir disparaître les fermes familiales et paysannes est donc réel. La prochaine décennie pourrait donc transformer totalement notre paysage rural et la production agricole. Et pourtant, il existe de nombreux jeunes désireux de reprendre une exploitation afin de lui donner un nouvel élan. Il existe aussi de nombreux fermiers en fin de carrière qui ignorent que le travail de toute une vie pourrait être valorisé par un repreneur.
Il y a malheureusement très peu de réelles opportunités d’accès à la terre. Lorsqu’une exploitation s’arrête, les agriculteurs en activité sont toujours preneurs des terres et beaucoup d’investisseurs, qui n’ont rien à voir avec les projets agricoles, y voient un placement, une valeur-refuge. Et ainsi, le prix des terres s’envole.
L’artificialisation est une autre raison du manque de terres agricoles. En effet, d’après Françoise Tagnon, les intercommunales de développement sont sans cesse à la recherche d’hectares pour développer leurs zonings et cela se fait bien sûr au détriment de la surface agricole.
Comment transmettre ?
Le problème, c’est qu’en Belgique, rien n’est prévu pour permettre et faciliter la transmission. En 2021, notre agricultrice-syndicaliste a participé aux Cafés transmission, organisés par le Réseau wallon de Développement Rural et c’est alors que les choses ont commencé à bouger, mais ce n’est pas suffisant. Il faut former les cédants qui doivent se préparer au moins une dizaine d’années à l’avance. En France, c’est plus facile, il existe les SAFER (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) qui aident à la transmission et à la reprise des exploitations agricoles. Les propriétaires terriens ont aussi moins de prise sur les terres agricoles qu’en Belgique.
Il existe tout de même des notes d’espoir. Les projets de reprise en groupe, avec de la diversification semblent apporter une nouvelle option viable. Les collectifs ont le vent en poupe ces derniers temps. Ils sont souvent soutenus par l’asbl Terre-en-vue (www.terre-en-vue.be) et/ou par la FUGEA, la Fédération Unie de Groupements d’Éleveurs et d’Agriculteurs, un syndicat agricole.
Pour Françoise Tagnon, nos décideurs ne semblent pas prendre conscience qu’il est vraiment temps d’agir si on veut protéger les fermes familiales. Il faut trouver des idées pour que la profession soit plus viable. Elle ne sait pas à quoi ressemblera l’agriculture wallonne dans dix ans, elle espère simplement que les grands groupes ne seront pas les seuls propriétaires des terres agricoles et ne décideront pas de ce que nous trouverons dans nos assiettes. En tout cas, elle milite pour que cela n’arrive pas.
Marianne Mottet