Interpellation politique
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,

Mesdames Messieurs les Ministres,

 

Partager, échanger, collaborer, mettre en commun, être solidaire, c’est-à-dire aimer les autres, peut-il sauver le monde? Donner du goût et un accent gracieux à nos relations peut-il inverser les crises ? Accorder la primauté aux liens non marchands et aux projets durables peut-il créer  une société plus juste, plus équilibrée et plus résiliente ? A l’ACRF-Femmes en milieu rural nous le pensons ! Notre récente campagne de sensibilisation intitulée « Le goût des autres » a, tout au long de cette année 2014, mis à l’honneur le lien social, le don, le partage des ressources et la solidarité. En effet, cette vision des échanges a quelque chose de révolutionnaire, comme l’indique notre petit flyer distribué au grand public : elle s’appuie sur la confiance et le partage pour faire naître l’abondance. Elle met en évidence la force du collectif pour lutter contre le repli sur soi, les conflits et la production matérielle perpétuelle, impossibles à soutenir dans un monde limité.

Cette économie collaborative faite de gratuité, d’échange, de don, de partage, de solidarité trouve une oreille attentive auprès d’une frange grandissante de la population qui veut rompre avec le système économique capitaliste dont le fer de lance est l’individualisme. Construire du lien social est le passage obligé vers un monde plus équilibré,  plus juste et résilient. Ces dernières décennies, le lien social a souffert dans les villes, mais aussi dans les villages. Les comportements individuels ont pris le pas sur le vivre ensemble et cela donne lieu au recul de ce qui fait société. Les standards prônés par la publicité et les médias vont tous dans le sens du suréquipement individuel de biens non durables dont l’acquisition ne fait pas le bonheur des « consommateurs » mais bien la fortune des fabricants. Les messages d’intérêt général qui demeuraient l’apanage du service public disparaissent du paysage audiovisuel pour laisser un espace énorme aux étendards du chacun pour soi, de l’intolérance, du refus de la différence.

Il est temps, au niveau politique, qu’il soit régional, fédéral ou européen, de remettre du sens dans ce qui crée la communauté et non la divise : les échanges, les partages, la collaboration, l’ouverture à l’altérité.

Parce que nous souhaitons un Etat qui aide et non rejette ; des pouvoirs publics qui soutiennent les initiatives et l’économie locales et non les freinent, nous réclamons :

  • des politiques d’asile et de gestion de l’immigration humanistes ;
  • des politiques de lutte contre la pauvreté et le chômage qui respecte les plus faibles et donnent à tous les mêmes chances de s’épanouir;
  • des politiques économiques qui tiennent compte du respect de l’environnement et de ses ressources ;
  • des politiques sociales (soins de santé, enseignement, services publics, services d’aide) fortes qui prévalent sur l’intérêt de quelques-uns ;
  • une politique fiscale juste et équitable qui permette à chacun de contribuer selon ses possibilités à financer le progrès social, scientifique et culturel ;
  • une politique des finances qui consacre le budget public au bonheur des citoyens et non à l’équilibre d’institutions bancaires.

Selon certaines sources[1], la richesse mondiale a doublé depuis 2000 pour atteindre 241 000 millions de dollars. Pourtant de plus en plus d’Européens, même s’ils ont un travail, s’appauvrissent. Le nombre de salariés ne pouvant subvenir à leurs besoins est en constante augmentation. Les impacts humanitaires de la crise économique qui frappe l’Europe (42 pays étudiés dans l’Union européenne, les Balkans, l’Europe orientale) sont scandaleux. Le nombre de personnes dépendant des distributions de nourriture de la Croix-Rouge dans 22 des pays concernés a augmenté de 75% entre 2009 et 2012. Les taux de suicides et de dépressions dans la population suivent également une courbe exponentielle. Pouvez-vous donner une explication à cette augmentation de la richesse d’une part et à cette aggravation de la pauvreté d’autre part ?

En relation avec cette campagne de sensibilisation qui attire l’attention sur la force du collectif et l’ économie collaborative, notre mouvement entame en ce moment une réflexion sur les indicateurs de prospérité, alternatifs au PIB. La croissance et le développement économique sont une chose, mais ne négligeons pas la conservation et la promotion de la culture, la sauvegarde de l’environnement, la santé, l’éducation, la gestion durable des ressources, la bonne gouvernance.

Nous savons que la Wallonie s’est déjà investie dans ce travail et a décidé d’ajouter 5 indicateurs à son analyse (indice de situation sociale, indice de bien-être, empreinte écologique, indice de situation environnementale, indice de capital économique autre que le PIB). Nous espérons que ce projet restera sur les rails du nouveau gouvernement régional  wallon et inspirera l’ensemble des pouvoirs publics belges.

De notre côté, en tant que mouvement d’éducation permanente, nous continuerons à nous investir plus que jamais dans le vivre ensemble.

Nous vous remercions pour votre attention et  dans l’attente de vous lire, nous vous prions de recevoir,  Mesdames, Messieurs les Parlementaires, Mesdames, Messieurs les Ministres, nos salutations respectueuses.

 

 

 

Muriel LESCURE,

Chargée de la sensibilisation.

Brigitte LAURENT,

Présidente.

 

 

[1] http://rue89.nouvelobs.com/2013/10/10/richesse-monde-crise-europe-choc-deux-rapports-246485